Histoire de la Maison PRUNIER
L’histoire commence à Rouen en 1861. Alfred Prunier est âgé de 13 ans, quand il quitte la maison familiale et trouve un emploi dans un restaurant où il essuie des verres. Quelques années plus tard, il s’installe à Paris et est engagé dans un bistrot rue Montholon. Il y découvre comment choisir le vin, apprend à ouvrir les huitres. C’est à cette époque qu’il rencontre Catherine Vitrion, sa future épouse. Elle est gouvernante à la maison de l’épouse d’un Grand Duc russe. À cette époque de nombreux aristocrates de Saint-Pétersbourg fréquentent la capitale.
En 1872, Alfred a 24 ans, il ouvre avec Catherine un restaurant. Elle maitrise la cuisine, la gestion ; lui, a acquis une bonne connaissance des vins et des huitres. La Maison Prunier est née. Catherine invite son ancien employeur, la Princesse russe Dolgoruki, qui revient accompagnée de prestigieux amis.
« Quelque temps plus tard, miracle, les carrosses attelés des plus beaux chevaux de la capitale se mêlèrent aux voitures de livraison et de touristes étrangers. Les Pruniers avaient réussi à attirer la noblesse russe, le ministre français, les acteurs de renom, les patrons de journaux, les poètes et les hommes d’affaires […] la Maison Prunier venait d’entrer dans l’histoire de Paris » 1
En 1875, naît Émile Prunier. Dès qu’il est en âge de travailler, son père le met au travail dans son restaurant, au rang le plus bas, pour qu’il y apprenne le métier. Quand Alfred meurt en 1898, Émile se retrouve à vingt-trois ans à la tête d’une entreprise qu’il connait bien et en assume les lourdes responsabilités.
En 1903, en voyage de noces en Norvège il découvre la propreté et la modernité des marchés de poisson, où le client à la possibilité de choisir dans des aquariums des poissons vivants. À cette époque, il y a une grande demande de poissons frais à Paris. Et c’est en aménageant des wagons remplis d’eau de mer qu’il réussit à proposer dans son restaurant parisien des poissons vivants. Il ouvre une boutique de vente de poissons frais, d’huitres et livre les plus grandes tables de Paris. Il fait décorer son restaurant par de grands peintres tel Monet, expose les œuvres de Matisse, Vlamincq.
Le caviar va progressivement arriver sur la table du restaurateur.
« En 1900, à l’époque des emprunts russes et des actions du Tsar [,] les Grands Ducs [russes] hantaient les boîtes de nuit et les grands restaurants, dont celui de Prunier. Ils apportaient le goût du caviar avec eux et le faisaient découvrir au Français. » 2
Avec la révolution bolchévique, dans les années 20, l’approvisionnement du caviar devient difficile.
« Monsieur Blanc, un client habitant Bordeaux […] nous annonce un jour qu’il y avait du caviar en Gironde ! [Émile Prunier] prend cette affaire en main et envoie un homme de confiance, Justin Maguet, chargé des pêches, vérifier la possibilité du projet, secondé par Alexandre Scott. C’était un fils de famille russe très riche […] capitaine de cuirassiers blancs de la garde du Tsar et réfugié en France, à Bordeaux. […] Sa connaissance de la fabrication de caviar était connue. Il a passé des accords avec les pêcheurs, notamment avec ceux de Saint-Seurin-d’Uzet, leur a fourni du matériel, au besoin leur a prêté de l’argent pour acheter un bateau » 3
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1 Simone Prunier cité par Bernard Mounier dans René Val ou La véritable histoire du caviar de la Gironde, éd° Bonne Anse, p.66
2 Claude Barnagaud propos recueillis par Bernard Mounier, ibid., p.70
3 ibid. p.70
C’est ainsi qu’a débuté l'âge d’or du caviar de Gironde. À l’époque on peut voir de nombreux ateliers de fabrication de caviar le long de la rive droite de l’Estuaire. La Maison Prunier peut se vanter de servir du caviar frais pêché dans les 48 heures.
De 1925 à 1960, la qualité gastronomique du caviar de Gironde fait la renommée de la Maison. Puis à partir de cette date, l’esturgeon européen devient un poisson très rare dans l’estuaire.
Dans les années 90, la maison Prunier favorise le développement de l’esturgeon d’élevage et du caviar. Le poisson européen étant fragile c’est son cousin sibérien qui grandit dans les fermes aquacoles.
«Pierre Bergé, alors président d’Yves Saint Laurent Couture, reprend l’affaire en 2000. Pour ce fidèle client de la table de l’avenue Victor Hugo, cette acquisition est un prolongement naturel de l’élevage d’esturgeons qu’il vient d’acquérir en Dordogne.» 4
Aujourd’hui la Maison Prunier a fusionné avec Caviar House et se sent très impliqué «par la restauration de l’impact historique du caviar Prunier afin de lui redonner l’importance qu’il mérite sur le marché et dans l’histoire de la gastronomie française. » 5
La Maison Caviar House & Prunier a acquis les bâtiments de l’ancienne auberge de l’esturgeon à Saint Seurin d’Uzet.
Peter G. Rebeiz : «La France ne doit pas oublier son passé. Elle a commencé à commercialiser le caviar avant les Iraniens ! Depuis plus de 30 ans, je fais des conférences sur le caviar. […] Chaque fois, je parle de St Seurin d’Uzet.» 6
« Nous voulons perpétuer la riche histoire du caviar français afin qu’elle ne soit pas plus réduite à une note de bas de page mais qu’elle retrouve sa réputation d’excellence.» « Nous avons récemment racheté la vieille Auberge du Commerce à Saint-Seurin-d’Uzet, laquelle, par le passé de ce ‘village du caviar’, était le point de rencontre des pêcheurs locaux, et dont les murs ont été les témoins ultimes de l’ascension et de la chute du caviar français.» Notre objectif consiste à créer, en cet endroit unique, un véritable Musée présentant l’histoire magique du caviar français, son actualité et son devenir.» 7
Pierre Bergé : «Je me souviens très bien, j’étais un enfant et mes grands-parents habitaient à 10 ou 15 km de St Seurin-d’Uzet […] je me rappelle très bien que nous allions nous promener le dimanche, parfois à St Seurin d’Uzet, il y avait encore écrit dans le bistrot «sandwich jambon, pâté, caviar» […] ces mots je les ai conservés, cela avait quelque chose d’hétéroclite, d’étrange. […] Je suis attaché à ce pays.» «Je suis infiniment sensible à tous les problèmes de pollution qui me semblent être de plus en plus graves. C’est d’ailleurs pour cela que le caviar d’élevage, tel que nous le faisons chez Prunier, est un caviar appelé à un très grand avenir parce qu’aujourd’hui la mer Caspienne est une mer polluée, les Russes ont un caviar très médiocre et les Iraniens en exportent de moins en moins et cela n’a pas l’air de s’arranger. » 8
C’est ainsi qu’à partir de 2011, la Maison Prunier encourage l’association Patrimoine St-Seurin-d’Uzet, nouvellement créée pour mettre en valeur l’histoire du caviar de Gironde et l’ancienne auberge. En 2013, elle lui confie le soin de créer le musée et de faire vivre l’Auberge-Musée du Caviar et de l’Esturgeon. Un accord de mécénat et un bail emphytéotique sont alors signés.
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4 http://www.prunier.com/histoire/
5 Peter G. Rebeiz, propos recueillis par Bernard Mounier, dans René Val ... ibid., p85
6 Peter G. Rebeiz propos recueillis par Nicole Bertin, Haute Saintonge - n°47 du 23.11.2012
7 Peter G. Rebeiz, ibid., p88
8 Pierre Bergé propos tirés du film Grains de Folie - Petites histoires du caviar français de Bérengère Casanova